La ville, nouvel espace démocratique

 

Plusieurs centaines de postes de radio posés les uns sur les autres composant une « tour de Babel » de 15 mètres de haut : à la « Tate Modern » de Londres, l’artiste brésilien Cildo Meireles expose une œuvre magistrale, à la fois sonore et spectaculaire, pour illustrer l’incommunicabilité de nos temps modernes : un halo de voix, de sons, de musiques superposés, entremêlés, enchassés, dans un brouhaha général. Une métaphore de la société numérique.

La généralisation de l’usage d’internet a permis l’expression libre et tous azimuts des subjectivités, « un nouveau partage du sensible », selon les mots du sociologue Dominique Cardon. Mais ce nouvel espace public constitue aussi un défi majeur pour nos démocraties. L’information y est devenue fragmentée, superposée, saturée. Et souvent inaudible. Les faits, les acquis de la connaissance et l’expertise la plus sérieuse sont emportés dans le tourbillon, dévalués, noyés dans le poison du relativisme, essorés dans une « fabrique de l’opinion » tournant à la foire d’empoigne.

Dans ce contexte sulfureux, « l’économie des villes de demain » sera d’abord une question politique : comment structurer une éthique du débat public, arbitrer, décider et faire partager aux citoyens les choix radicaux que l’urgence climatique va imposer dans la décennie cruciale qui vient ? La ville est le lieu où se concentrent toutes les grandes mutations de ce début de siècle : le climat, la démographie, la technologie, l’énergie, la mobilité, l’exigence sociale…

Gouverner les villes dans ce moment historique - organiser leur transformation profonde, informer sur les enjeux et les choix, faire prévaloir l’intérêt général - sera une tâche d’autant plus stratégique que les Etats montrent leurs difficultés à agir collectivement. La démocratie est née dans les cités grecques de l’Antiquité. Les villes ont le devoir de lui donner aujourd’hui un nouveau souffle et d’innover pour faire vivre un espace public civilisé à la hauteur des défis qui nous assaillent. Chacun devrait essayer d’y contribuer. A commencer par les médias.

 

Vincent Giret
Directeur de franceinfo