Bruno Le Maire

Ministre de l’Economie et des Finances


A vingt ans, il est temps pour l’euro

d’entrer dans l’âge adulte

 

La monnaie commune est sans conteste la plus grande réalisation de l’Union européenne. L’euro a permis de faciliter les échanges économiques entre pays membres. Il nous a apporté plus de force et de stabilité, et s’est imposé comme une des grandes monnaies mondiales.

Pourtant, alors que la monnaie unique célèbre son 20ème anniversaire, les motifs d’inquiétude sont réels. Quand certains Etats ont profité de l’euro, plusieurs membres ont le sentiment d’avoir été perdants. Alors que les économies convergent à l’échelle des 28, elles divergent au sein de la zone euro.

La situation n’est pas viable.

Comment expliquer ce problème ? Comme souvent dans le processus de la construction européenne, on s’est arrêté à mi-chemin. On s’est contenté de bâtir une zone monétaire, sans union économique. Comme si l’on pouvait avoir une monnaie unique et 19 économies qui divergent.

Une monnaie commune doit marcher pour tout le monde, au risque de nourrir autrement la défiance et de nuire à la santé économique de toute la zone. Maintenant que nous avons lié nos destins, le succès sera collectif ou ne sera pas.

La divergence économique n’est pas le seul problème de la zone euro. Alors que la zone euro a mis plus de temps que les autres à sortir de la crise, nous pouvons renforcer bien davantage notre capacité à réagir en cas de nouveau choc.

Nous sommes donc à un moment de vérité pour la monnaie unique. Il est indispensable d’accélérer et de transformer notre union monétaire en zone économique intégrée, autour de deux notions clés : convergence et stabilité.

La France et l’Allemagne ont mis des propositions fortes sur la table : achever l’Union bancaire, renforcer le mécanisme européen de stabilité, créer un budget de la zone euro. Il faut maintenant poursuivre cette dynamique en parvenant à un accord rapide de tous les Etats membres.

Si nous tenons au succès de notre monnaie unique, il est grand temps de la faire entrer dans l’âge adulte.



Bruno Le Maire

Ministre de l’Economie et des Finances

 Jean-Michel Blanquer

Ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse  


L’économie permet de comprendre le monde

La vitalité de ce prix témoigne de la place importante des Sciences économiques et sociales dans les enseignements aux lycées. À partir de l’année prochaine, dans le cadre de la réforme du baccalauréat  et de la transformation du lycée, tous les élèves de seconde générale et technologique bénéficieront d’1h30 de SES. Un enseignement de spécialité de 4h en première puis de 6h en terminale permettra d’approfondir cette discipline et, peut-être, en poursuivre l’étude dans le supérieur.

L’économie est une discipline essentielle pour comprendre le monde. Ses clés de compréhension passent par une recherche de pointe alliée à un sens pédagogique aigu.

Je veux donc remercier les organisateurs de ce prix chaque année attendu car il permet d’éclairer les élèves sur les lectures de grande qualité. Je tiens à féliciter le lauréat et bien sûr tous les lycéens qui se sont engagés dans cette belle aventure.

Vincent Beaufils

Directeur de la rédaction, Challenges


 L’Euro, largement devant l’Europe

Soixante après la création de la CEE, l’année 2018 n’est pas un bon cru pour l’Europe. Pour la première fois, en France, le sentiment d’attachement à l’Union européenne est passé sous la barre des 50 % : 46 % très exactement, selon l’Eurobaromètre. Dans le même temps, tous les sondages montrent une tendance inverse concernant l’attachement à l’euro : trois Français sur quatre veulent le conserver, et ce n’est pas un hasard si l’extrême droite a retiré la sortie de l’euro de son programme, et si Jean-Luc Mélenchon ne s’est pas risqué à l’y inscrire.

Une perception aussi divergente peut s’expliquer : alors que l’Union ne cesse de combattre des forces centrifuges – sécession de la Grande Bretagne,  bras d’honneur des Italiens, menées « illibérales » de l’Europe centrale… -, l’euro continue d’attirer et a même réussi à conserver la Grèce en son sein ; quand la Commission de Bruxelles échoue à stimuler la croissance, la Banque centrale européenne (BCE) a pris toutes les mesures non-conventionnelles pour doper l’activité ; quand l’Europe n’arrive pas à se mettre d’accord sur une taxation des GAFA, l’euro prend une place grandissante dans les réserves de change des grands instituts d’émission.

Certes, tout n’est pas parfait, et la création de la monnaie européenne n’a pas empêché la tyrannie du dollar de continuer de s’appliquer. Mais globalement, l’euro a cimenté le sentiment d’appartenir à un espace économique commun, et les efforts déployés pour le préserver à chaque grande crise (2008, 2011) n’ont fait que renforcer ce sentiment d’appartenance.

Restent deux dérives qui menacent toujours.

Celle des Etats laxistes, comme l’Italie aujourd’hui : quand le ministre italien des Finances martèle que « le problème de la dette italienne est une affaire italienne », il s’extrait des règles de vie commune, tout en étant ravi de continuer à profiter de taux d’intérêt que l’arrimage de son pays dans l’euro lui assure toujours.

Et celle les pays rigoureux, comme l’Allemagne. Notre voisin devrait être reconnaissant à l’euro d’avoir enrayé la surévaluation passée de sa monnaie, et d’avoir largement contribué à ses énormes excédents commerciaux. Cela mériterait de sa part davantage de compassion, notamment au moment de réfléchir sur la mise en place d’un budget de la zone pour stimuler la croissance.

 

Vincent Beaufils, Directeur de la rédaction, Challenges

Daniel Cohen

Economiste


 

Il faut dire que les temps ont changé…

 

L’idée de créer une Journée consacrée au Livre d’Économie, c’était un sacré pari parce qu’il y a 20 ans, les livres d’économie avaient peu de succès en librairie. Cela restait quelque chose qui tenait plutôt de l’ordre du repoussoir que de l’envie de croquer dans la pomme de ces ouvrages. Et finalement, cela a été une formidable anticipation d’une demande sociale qui n’a cessé de croître. 

 

Il y a 20 ans, nous avions tout juste commencé l’aventure de l’euro. Il y a eu une vraie demande d’explication, de ce que cela signifiait, de ce que cela allait signifier et impliquer pour nos sociétés. Et puis évidement une dizaine d’années après, il y a eu la grande crise de 2008 ; là, la demande d’explication a explosé à la longue. Au cours de ces périodes, aussi bien la première corrélative de la montée de l’euro que de la seconde qui a accompagné la crise des subprimes, les livres d’économie, ont peut-être, je crois, créé un intérêt croissant pour l’économie. Les Français désiraient y voir plus clair.

 

Une Journée, un Prix du Livre d’Économie, il y a 20 ans c’était un pari fou. Aujourd’hui c’est une évidence. Les lecteurs ont besoin de lire de l’économie, pour gagner justement en l’intelligence et mieux appréhender notre époque. Beaucoup de livres d’économie ont eu un magnifique succès de librairie, en France comme à l’international, ce qui en est le meilleur témoignage.

 

Daniel Cohen, Economiste

Philippe Escande

éditorialiste économique, Le Monde


Donner à comprendre le monde

 

C'est en 1998, sous l'impulsion d'Erik Izraelewicz, qu'est né le prix du livre d'économie. Un parrainage naturel entre l'observateur exceptionnel et inlassable pédagogue de la vie économique qu'il était et un évènement qui contribue très largement à populariser l'économie auprès du plus large public et notamment des jeunes. 

Il est donc naturel que dans le sillage de son directeur général trop tôt disparu, Le Monde s’associe à un tel prix. Car l’économie est un observatoire de choix. Elle parle des hommes dans la cité, de leurs échanges incessants, de leurs peurs, de leurs rêves et de leurs accomplissements. Comme la politique, elle tisse la toile de l’histoire et ouvre des fenêtres sur l’avenir. Elle aussi est une arène où s’affrontent les idées où s’opposent les pouvoirs et où se construit le futur.

Donner à comprendre est la première tâche de l’économie,et donc du livre d’économie. Comme dans un bon roman, il doit ramasser dans une anecdote, un exemple, un récit, la complexité de nos vies et de nos sociétés pour en mettre à nu les ressorts les plus intimes. Distinguer l’accessoire de l’essentiel pour guider le lecteur dans ses choix sans lui en imposer aucun. C’est aussi la mission d’un journal et de ses journalistes. C’est la raison pour laquelle, depuis cinq ans, Le Monde déploie dans un cahier quotidien spécifique enquêtes, reportages, analyses et points de vue pour éclairer ce monde en ébullition permanente.

Dans cet esprit, nous avons créé, en 2014, avec le centre de formation des journalistes et HEC Paris, le prix Erik Izraelewicz de la meilleure enquête journalistique, une sorte de petit frère du prix du livre d’économie. Autant d’armes indispensables pour combattre l’obscurité et l’ignorance qui trop souvent nous menacent. De la matière à penser.

Longue vie à l’économie et au prix du livre d’économie!

 

Philippe Escande, éditorialiste économique, Le Monde

Etienne Gernelle

Directeur de la rédaction, Le Point


L’euro, le livre d’économie et la mesure des saucisses

 

« Pour les grands jours, il faut que les sermons soient courts, et que les saucisses soient longues ». Helmut Kohl aimait commencer ses discours par cette phrase, apprise, semble-t-il, d’un pasteur. Pour les vingt ans de l’euro, il serait bon que nos dirigeants s’inspirent de ce génie politique, qui fut aussi l’un des pères de la monnaie unique.

 

Il est temps de mesurer la longueur des saucisses plutôt que de faire de grands développements abscons sur la « convergence », de dire les choses et de ne pas laisser le champ libre aux charlatans du souverainisme, aux philosophes de la herse et du pont-levis, aux phares de la pensée garnie de barbelés. L’euro est un succès considérable. Il devient pénible d’entendre les lamentations des spécialistes du « c’était mieux avant », sortes de chamans lisant l’évolution du pouvoir d’achat dans les entrailles des baguettes de pain.

 

Parlons donc un peu, puisqu’on disserte sur les motivations des « gilets jaunes », du prix à la pompe si nous revenions au franc, ce qui se ferait forcément au prix d’une sérieuse dévaluation. A côté, la hausse des taxes sur le diesel serait une gentille blague... Il serait temps de réaffirmer avec plus de conviction que non, nous ne nous sommes pas appauvris, que le PIB français a augmenté de plus d’un quart depuis la création de l’euro, qu’il ne faudrait, par ailleurs, pas oublier le début des années 1990, quand quelques gros investisseurs pouvaient faire trembler l’Elysée en spéculant contre le Franc. Quoi qu’on en dise, la richesse des pays qui l’ont adopté a progressé, malgré la gigantesque crise financière qui – eh oui – n’a pas frappé que la zone euro : on ne saurait donc blâmer la monnaie unique qu’au prix d’une mauvaise foi olympique.

 

Se souvient-on de nos vies avant l’euro ? Il y a vingt ans, l’auteur de ces lignes échangeait des francs contre des florins à la gare d’Amsterdam quand il s’offrait une virée hollandaise. Cela va avec une autre époque : je n’avais pas de téléphone portable et circulais à Paris en mobylette Motobécane. Cela fait quelques repères, chacun les siens. Cette période était-elle vraiment meilleure ? Il y aura toujours des rétro-penseurs pour asséner que c’était là une époque bénie…

 

Depuis, l’euro est devenu non seulement une monnaie sérieuse, mais aussi un acquis – je n’ose dire social – , en tout cas un élément de la liberté de circulation.

 

Les vingt ans de l’euro, les vingt ans du Prix du livre d’économie, cela fait un joli tir groupé. La belle idée parfois mal comprise, et une autre belle idée pour, justement, mieux comprendre ce qui détermine notre destin. La saucisse et son mode d’emploi…

 

Etienne Gernelle, Directeur de la rédaction, Le Point

Marc Ladreit de Lacharrière

Président de Fimalac, Président du jury du Prix du Livre d’Economie 


L’économie à livre ouvert

 

La Journée du Livre d’Economie, constitue un rendez-vous exceptionnel qui permet de faire participer le plus grand nombre aux grandes questions qui traversent la vie économique nationale, européenne et internationale.

En cette journée anniversaire, la Journée du Livre d’Économie en célèbre un autre, celui des vingt ans de la monnaie européenne, autour du thème « L’Euro a 20 ans. Et maintenant que fait-on ? ».

Alors que l’Union européenne subit de lourdes tensions avec notamment le départ d’un de ses membres et la pression migratoire, les politiques communes sont mises en difficultés. La question de l’avenir de l’euro et de sa politique monétaire est plus que jamais d’actualité, à l’occasion de cet anniversaire et des élections européennes à venir.

Une nouvelle fois, cette Journée du Livre d’Économie nous amènera à débattre et faire découvrir aux jeunes générations les enjeux et défis que rencontre l’euro. Cette Journée est aussi un temps d’échanges, lors de tables rondes avec des intervenants de grande qualité, de rencontres, avec des dirigeants d’entreprises, des économistes, des universitaires, ou encore des journalistes.

A cette occasion, deux prix sont remis. Le Prix Lycéen Lire l’Economie récompense un ouvrage distingué par des lycéens, qui favorise l’initiation à l’analyse et à la réflexion autour du discours économique. Le Prix du Livre d’Economie distingue, quant à lui, un livre à portée pédagogique, qui rend accessible au plus grand nombre la compréhension des enjeux de l’économie contemporaine.

Depuis 20 ans, je suis particulièrement heureux et honoré d’accompagner l’association Lire la Société au travers de cette Journée et de ces prix, et participer ainsi à la diffusion d’ouvrages d’auteurs qui, avec courage et clarté, transmettent le goût de l’économie.

 

Marc Ladreit de Lacharrière Président de Fimalac, Président du jury du Prix du Livre d’Economie 

Jean-Bernard Lévy

Président Directeur –Général d’EDF


 L’Euro s’est installé dans notre quotidien

 

Diriger une entreprise,  c’est évaluer en permanence les avantages et les inconvénients d’un choix que l’on a fait ou que l’on doit faire. C’est le quotidien des chefs d’entreprise. Aussi, la célébration des 20 ans de l’Euro m’amène à me prononcer sans détour après évaluation: c’était le bon choix et nous en avons tirés nettement plus de conséquences  positives que nous n’avons eu à en pâtir.

Bien sûr, les opposants à l’Euro nous répètent à l’envie le risque d’une propagation des crises en Europe, ou dénoncent le poids qu’ils jugent excessif des institutions européennes dans notre économie. Bien sûr il faut être vigilent sur le cours de l’Euro ou le niveau des prix, mais c’est aussi le cas avec une monnaie propre. En échange, l’Euro nous a permis d’avoir des prix plus stables, des marchés financiers mieux intégrés, un risque de change nul avec 18 autres pays européens et cela nous a conduit , entre autres, à être plus vigilent que nous ne l’aurions sans doute  naturellement été  sur la tenue de nos politiques budgétaires. Sans compter que l’Euro est une monnaie qui compte dans le monde là où les monnaies nationales ne résistaient pas auparavant face au dollar.

De fait, aujourd’hui, seule une minorité de Français est  favorable  à une sortie de l’Euro. Même les partis qui  déclaraient jusque-là opter pour cette sortie reculent devant l’hostilité de leur propre électorat à ce mouvement. Ce n’était pas gagné d’avance. Souvenons-nous que le référendum sur le traité de Maastricht  permettant l’adoption de l’Euro en 1992 est passé de justesse : 51% contre 49%. Et ce fut le seul scrutin européen depuis 1979 à susciter une participation aussi massive des citoyens (70%). Le débat avait été passionné et passionnel au cours d’une campagne qui n’avait jamais été aussi focalisée sur l’Europe.

Il faut rappeler ce doute initial pour mesurer le chemin parcouru dans l’opinion. L’Euro a 20 ans et l’Euro s’est installé dans notre économie et notre quotidien. C’est son grand succès et c’est un grand succès !

 

Jean-Bernard Lévy

Président Directeur –Général d’EDF

Bertrand Munch

Directeur de l’information légale et administrative


De l’économie et de l’éducation citoyenne…

 

Vingt années de rencontres, de pédagogie et de débats consacrés à l’économie auprès d’un jeune et large public au sein du Ministère de l’économie et des finances, lieu symbolique de la gestion des finances de l’Etat. Un bel anniversaire pour cette édition 2019 de la Journée du Livre d’économie qu’accompagnent depuis près d’une décennie les éditions La Documentation française et ses collections économiques.

 

La 20ème journée du Livre d’Economie est consacrée à une thématique actuelle et fondamentale pour l’avenir : « L’Euro a 20 ans. Et maintenant, que fait-on ? »

En vue des prochaines élections européennes de 2019, il est en effet essentiel d’éclairer nos concitoyens sur les enjeux européens et de leur donner à comprendre ce que leur apporte cette libre association d’Etats en termes de stabilité économique, de progrès social et de capacité à peser sur les affaires du monde.

 

La DILA, direction de l’information légale et administrative au sein des services du Premier ministre, dans sa mission d’information des citoyens, apporte sur ces thématiques particulières des éléments de réponse à travers ses nombreuses publications.

Ainsi, les éditions de La Documentation française, les sites ladocumentationfrancaise.fr et vie-publique.fr proposent des ressources pédagogiques autour de l’Europe et de son économie. Dans la collection Découverte de la vie publique, le titre L’Union européenne expose les clés de la constitution et du fonctionnement des instances européennes. Enfin, la revue Questions internationales a publié un numéro consacré à L’Europe entre crises et rebond.

Plus que jamais, les éditions de La Documentation française et les autres publications de la DILA exercent leur mission d’information et de mise à disposition de ressources utiles pour faire vivre le débat public et comprendre les évolutions de la société française dans le contexte européen.

Notre institution est ainsi heureuse de contribuer au succès de cette vingtième Journée du Livre d’Économie.

 

Bertrand Munch, Directeur de l’information légale et administrative

 

Brice Teinturier

Directeur Général Délégué D’Ipsos France


La croyance en l’euro

 

La monnaie n’est pas une réalité matérielle mais une construction psychologique, explique Yuval Noah Harari dans Sapiens- une brève histoire de l’humanité. Elle repose sur un système de confiance mutuelle le plus universel et le plus efficace jamais imaginé qui fait qu’on accepte d’échanger un bien concret contre quelques bouts de papier. Ce mécanisme permet aussi de transcender les différences de religion, de genre, de race ou de culture et de faire en sorte que des personnes qui ne se connaissent pas vont malgré tout collaborer efficacement. Au-delà de leurs différences, elles partagent en effet une croyance commune, la croyance en l’or, le dollar ou l’euro.   Mais si ce système permet la coopération et produit de la tolérance, c’est aussi lui qui dans le même temps, corrode les traditions locales ou nationales pour les remplacer par les seules lois de l’offre et de la demande, alors même que les communautés humaines ont toujours été fondées sur des choses sans prix : la loyauté, la morale, l’honneur…La monnaie a donc cette double face : bras armé du commerce, elle adoucit les mœurs mais son revers est d’instaurer une confiance universelle non pas fondée sur les hommes, les communautés ou les valeurs sacrées mais dans la monnaie elle-même et ce qui la soutient.

 

Il est donc parfaitement logique que les concepteurs de l’Europe aient très vite envisagé une monnaie unique et qu’ils aient lié si intimement coopération économique et promesse de tolérance et de paix. Mais pour que les différents peuples continuent de croire à l’euro, c’est-à-dire croient que d’autres croient comme eux à quelque chose, il est nécessaire de mieux définir ce quelque chose et de ne pas le réduire à la seule promesse d’une prospérité accrue. Si cette dernière se fragilise, c’est en effet tout l’édifice qui se fissure. Revient alors en force la critique de la monnaie - ici de l’euro - comme agent de dissolution des valeurs fondamentales d’une société. C’est ce à quoi nous assistons aujourd’hui. L’urgence est donc de réarticuler l’euro à un système de croyance partagée en des valeurs fondamentales non réductibles au seul marché, et qui sont celles de l’Europe : le respect de la personne humaine et de ses droits, le refus de la peine de mort, l’égalité homme femme, le respect de la minorité... Là est le vrai combat.


 

Brice Teinturier

Directeur Général Délégué D’Ipsos France

 François Villeroy de Galhau

Gouverneur de la Banque de France


L’économie, un enjeu de démocratie

 

Je suis doublement heureux de célébrer avec vous les 20 ans de l’euro lors de cette 20e Journée du livre d’économie.

L’euro a 20 ans : au début, nombreux sont ceux qui pensaient que l’euro ne sortirait pas du berceau. Puis l’enfant a grandi, contre vents et marées : crise des subprimes, crise grecque, crise de la dette… Il est maintenant dans la force de l’âge et nous pouvons être fiers de tout ce qu’il a permis en termes de facilité d’échanges, de stabilité et de coopération. À la naissance de l'euro, nous étions 11 pays, nous sommes à présent 19, avec un soutien populaire très fort : 70 % en France, 83% en Allemagne, 61% en Italie.

L’euro est notre ancrage, et plus que jamais, il est aussi notre avenir, face aux risques financiers et aux incertitudes qui planent sur nos économies. La Banque de France travaille sans relâche pour poursuivre les réformes qui aideront l’euro à se consolider : nous veillons sur la stabilité financière, nous faisons progresser l’Union bancaire, nous souhaitons le renforcement de l’Union économique. Au quotidien, nous maintenons la confiance dans l’euro, nous mettons en œuvre la politique monétaire et nous rendons service à la collectivité, en accompagnant les entreprises et en aidant les ménages sur le plan budgétaire et financier.

Le  livre d’économie est parfaitement complémentaire de l’action de la Banque de France. Les livres d’économie sont des fenêtres sur le monde, ils racontent, analysent, font  réfléchir et avancer. La Banque de France est responsable de la stratégie nationale d’éducation économique et financière des publics. Elle a mis en place Citéco, la future Cité de l’économie, qui ouvrira ses portes au public en 2019, et le portail d’informations mesquestionsdargent.fr. Cette mission nous tient particulièrement à cœur car c’est notre responsabilité en tant qu’institution de promouvoir le savoir et la réflexion basée sur des données factuelles et indépendantes. Nous savons que la culture économique est un gage de progrès, d’ouverture, et de respect de nos valeurs démocratiques. C’est un bien commun précieux, plus encore que la monnaie.

 

 

François Villeroy de Galhau
Gouverneur de la Banque de France

Vincent Giret

Directeur de franceinfo


L’euro, et après ?

 

« On ne pourra plus continuer à décrire l’Europe comme un objet indéterminé, un mouvement perpétuel, un pays où l’on arrive jamais… ». Ainsi s’exprimait un diplomate français, il y a tout juste vingt ans, au moment même où onze pays jetaient les bases de l’euro. L’Europe allait enfin devenir consistante, concrète, sonnante et trébuchante dans les poches mêmes de ses citoyens. Le mark, le franc, la lire et d’autres monnaies toutes chargées d’histoire et de culture s’effaçaient pour donner un autre destin au Vieux continent. Maints oracles avaient dit l’idée impossible ou funeste avant même sa création, tant ont annoncé la mort de cette construction théorique, tant d’autres encore ont instruit son procès, des souverainistes aux économistes américains les plus libéraux. Ça ne marchera pas ! Trop fragile, trop baroque, trop incomplet. Jamais dans l’histoire, des pays aux économies aussi disparates n’ont bâti une union monétaire sans jeter au préalable les jalons d’une union politique…

 

Las, vingt ans après sa création, l’euro tient bon et même sacrément bon. L’euro était censé se volatiliser à la première bourrasque, mais il a pourtant résisté à la plus grave crise financière mondiale depuis celle de 1929. Mieux : sévèrement mis à l’épreuve, corrigé, complété au gré de compromis politiques, l’écosystème de la monnaie unique européenne s’est façonné une résilience insoupçonnée. La banque centrale européenne est même aujourd’hui l’institution européenne la plus efficace, la plus robuste et même la plus populaire : la BCE est devenue l’institution en laquelle les Européens ont le plus confiance, loin devant le Commission ou le Parlement, avec un taux global de 74% dans les 17 pays de la zone.

 

Vingt ans après l’avènement d’une monnaie commune, l’Europe tremble pourtant à nouveau sur ses bases : la frustration populaire des classes moyennes de tous les pays avancés dans une économie mondialisée, le rejet d’une bureaucratie coupée des réalités et des citoyens, de même que les menaces sur la sécurité du continent ouvrent une nouvelle phase existentielle. C’est tout l’enjeu de l’année qui vient où les citoyens devront faire entendre leur voix et… choisir une voie, alliant le possible, le nécessaire et l’indispensable. « La vérité, c’est que les Européens ne savent pas ce qu’ils ont bâti », affirme Marcel Gauchet. Aux électeurs de faire mentir le philosophe. Pour les y aider, franceinfo, média de service public, prendra toute sa part pour faire vivre le débat contradictoire.

 

Vincent Giret, Directeur de franceinfo