La raison, une amie de tous les jours

« L’homme n’est jamais plus libre que lorsqu’il assujettit ses passions à la raison, et sa raison à la justice », disait le chancelier d’Aguesseau (1668-1751), qui fut le premier codificateur de notre histoire. Il a aujourd’hui sa statue sur les marches du Palais-Bourbon qui rappelle ses enseignements. Ce grand commis de l’État fixait par ce jugement un programme ambitieux, exigeant, qui conserve toute sa pertinence aujourd’hui.

Nous avons vu, au cours du XXème siècle, à quoi mène l’irrationnel en politique. Les passions, les émotions, si fécondes et même motrices peuvent parfois se révéler des poisons dans la vie publique, qui a surtout besoin de lieux de débats pour vivre pacifiquement, et surtout se tenir éloignée de la violence.

Que la 29e Journée du Livre politique ait pour thème « La déraison au pays de Descartes… et ailleurs », réjouit et inquiète, en même temps.

Comme d’Aguesseau, Descartes se méfiait de ces « esprits animaux » en lesquels il discernait la cause de nos emportements et violences. « C’est pourquoi, écrivait-il, nous devons nous servir de l’expérience et de la raison pour distinguer le bien d’avec le mal et connaître leur juste valeur, afin de ne prendre pas l’un pour l’autre, et de ne nous porter en rien à des excès. » Aujourd’hui, un nouveau Discours de la méthode s’impose pour rétablir les droits du sens commun et de la raison. C’est la tâche à laquelle se sont consacrés les auteurs mis à l’honneur cette année.

Il ne s’agit certes pas de déifier la Raison, comme avaient voulu le faire les révolutionnaires français. C’est à la simple raison que je pense : une raison humaine et accessible, une amie de tous les jours qu’on interroge et qu’on écoute. Dans un temps marqué par le retour du fanatisme, le délire du complotisme et l’absurdité des fake news, notre amie la raison est précieuse, puisqu’elle seule nous apporte l’équilibre et le discernement sans lesquels on ne peut légiférer en humaniste.

Retour