La difficile quête d’un PIB vert
Par Philippe PLASSART
Le spectre des actifs échoués
Par Philippe PLASSART
Avis des lecteurs
Mathématicien, Entrepreneur et Directeur du Master Modélisation et Méthodes Mathématiques en Économie et Finance, Université Panthéon-Sorbonne Paris I
Article : « La difficile quête d’un PIB vert »
Tous les économistes connaissent les nombreux défauts du PIB. Si ceux-ci ont été jugés négligeables durant les Trente Glorieuses, la prise de conscience de l’urgence écologique rend les critiques sur le PIB (et donc sur la focalisation générale sur la croissance du PIB) de plus en plus audibles et légitimes.
Si le constat est évident et bien connu, le remplacement du PIB par un PIB vert se révèle très complexe. Le calcul d’un PIB vert requiert en effet de mettre des euros ou des dollars sur des données largement immatérielles (la valeur des pollinisateurs, d’un hectare de forêt tropicale, de la barrière de corail, des intrants naturels dans un champ, etc.). Si des estimations sont parfois faites, elles sont contestables et l’auteur de l’article, qui présente très clairement de nombreux exemples pertinents, évoque des fourchettes allant de 1 à 4 pour ces estimations. Faut-il alors renoncer au calcul d’un PIB vert ? L’auteur de l’article pense que non et termine sur une jolie comparaison automobile : il faut bien une jauge d’essence en plus de la jauge de vitesse... comparaison qui devrait inviter au contraire à renoncer à un PIB vert mais à recourir en plus du PIB classique à d’autres indicateurs plutôt que de vouloir construire un unique indicateur... vœu probablement irréaliste comme le montre l’article.
Au-delà des conflits manifestes entre la volonté d’améliorer le niveau de vie et les exigences qu’imposent l’impératif écologique, l’article montre, peut-être à ses dépens, que l’un des véritables problèmes du monde économique actuel est le besoin d’indicateurs quantitatifs et la foi en ses indicateurs, alors que la plupart des chiffres économiques liés à l’environnement n’auront que peu de valeur du fait des fourchettes discutées plus haut. Est-on à ce point drogués aux chiffres et tant entourés de chiffres, qu’il en faudrait un seul qui résume tout pour prendre des décisions ?
Cet article interroge plus largement sur le rôle qu’a et qu’aura dans le futur le quantitatif sur la prise de décision... et sur le bien-fondé de ce rôle !
Article : « Le spectre des actifs échoués »
L’histoire est jonchée d’épisodes où une technologie en remplace une autre, entraînant la fortune des modernes et la faillite des anciens. Pour les économistes, il s’agit de la fameuse destruction créatrice schumpeterienne souvent évoquée comme source de la croissance économique.
Avec la nécessité d’une transition d’une économie carbonée vers une économie décarbonée, ce n’est pas une technologie supérieure qui va en remplacer une autre « naturellement », mais une technologie qui va être remplacée car interdite (le diesel à Paris), taxée (taxe sur les produits pétroliers, etc.), ou encore rendue trop coûteuse par l’introduction d’un prix pour un bien à l’origine d’une externalité (prix du CO2, etc.) ... si les politiques prennent les mesures nécessaires – ce que prédit implicitement l’auteur de l’article.
Le sujet de l’article est celui de la dépréciation des actifs bruns (non verts) du fait de la transition vers une économie décarbonée ; des actifs ayant aujourd’hui une valeur considérable.
Cet article met le doigt sur l’une des grandes incertitudes de l’époque et nous fait nous interroger sur plusieurs points économiques majeurs :
Pourquoi les marchés financiers ne tiennent-ils pas ou très peu compte aujourd’hui des incertitudes sur les stranded assets ? (l’auteur voit dans la valorisation d’Aramco lors de la récente IPO un premier exemple majeur de dépréciation d’un actif brun mais l’exemple est franchement contestable quand on connaît le contexte de cette introduction en Bourse).
La vente d’actifs bruns à des prix dépréciés n’a-t-elle pas une incidence négative sur l’environnement ? Le cas des acquisitions de Daniel Kretinsky montre que la situation est complexe et incite à une réflexion plus globale sur la finance ESG.
Les Etats, et c’est là un point extrêmement sensible, vont-ils changer les règles (réglementations, taxes, ...) et donc entraîner des dépréciations en chaîne ? Sur ce dernier point, les interdictions à horizon fixé sont peut-être une solution comme le suggère intelligemment l’auteur.
Si cet article tombe parfois dans les écueils d’un journalisme d’opinion mâtiné de militantisme, il met le doigt sur des questions économiques, financières, et politiques majeures, bien au-delà des seuls « actifs échoués ».
Maître de Conférences en Sciences du Langage, Université de Limoges
La principale vertu des articles sélectionnés dans le cadre du Prix du Meilleur Article Financier est d’opérer une médiation entre l’expert économique et le néophyte dans un but d’accès à la connaissance du domaine économique. Les ajustements terminologiques et apports citationnels témoignent de cette volonté de médiation qui ne prive pas le lecteur d’une réelle démonstration scientifique, appuyée par des données empiriques. Le soin apporté à la didacticité a vocation à modifier l’état de connaissance du lecteur. La fonction informative des articles se double d’une fonction prescriptive invitant à une lecture critique et éclairée du monde contemporain, distanciée des représentations dichotomiques sur l’économie, de ses mécanismes systémiques, et de ses illusoires « mains invisibles ». Quelle que soit la ligne politique adoptée, ces articles constituent de véritables outils démocratiques : s’ils orientent la pensée, ils dotent dans le même temps le citoyen d’un pouvoir analytique, voire se font le relais de cette voix doxique et citoyenne qui appréhende les conséquences directes d’une économie qui interfère autant qu’elle est interférée. Ainsi l’économie est pensée dans ses relations, a priori antagonistes, mais désormais charnelles avec la nature et le vivant. La lecture de ces articles pose en effet une question essentielle pour le devenir de nos sociétés : l’écologie et la santé seront-elles les piliers de l’économie de demain ?
Professeur d’Économie, Directrice du Master Analyse Financière Internationale, NEOMA Business School
L’article de Philippe Plassart (sur les actifs échoués) fait état d’une bonne analyse sur des chiffres bien exploités. Le sujet est maitrisé avec une démonstration solide. Le lecteur peut en conséquence trouver les principaux éléments de la thématique traitée. La contribution est un article de fond et peut être exploitée comme telle. Il est donc à fort apport pédagogique. L’auteur a en effet confronté les éléments, chiffres et points de vue émanant de différentes sphères (académiques et scientifiques, think tanks, etc.) démontrant la maîtrise de l’exercice.
Professeur d’Économie, Directrice du Master Ingénierie Économique et de l’Analyse de Données, Université Cergy-Pontoise
Cet article met sur le devant de la scène une partie souvent occultée du débat sur la transition énergétique, à savoir l'effondrement de la valeur d'actifs mobiliers et immobiliers et la destruction de capital physique qu'elle pourrait engendrer dans les secteurs particulièrement exposés que sont, entre autres, l'énergie, le bâtiment ou l'automobile. L'effet domino que cela serait susceptible d'entrainer, via notamment la dégradation des bilans des banques et des assurances, pourrait reléguer la crise des subprimes de 2008 à un simple galop d'essai. La question essentielle pour éviter cet "échouage" serait celle du bon rythme à donner à la transition énergétique, pour laisser aux secteurs concernés le temps de s'adapter.