nicolas baverez
Essayiste, avocat
“PENSER LA GEOPOLITIQUE”
Le XXIème siècle est placé sous le signe de l’histoire universelle. Elle ne se décline pas pour autant en termes de prospérité, de paix et de liberté. Quatre cycles historiques s’achèvent de manière chaotique : la domination de l’Occident ; le leadership des Etats-Unis ; l’ordre de 1945 ; la mondialisation qui s’est retournée depuis 2008 et se trouve désormais dominée par les passions nationalistes, ethniques et religieuses.
Le système international est structuré par l’interdépendance des hommes et l’existence de risques globaux. Il est multipolaire mais hautement instable faute de principes communes, d’institutions et de règles pour régler les différends, de réassurance par une superpuissance, de limitation de la capacité d’action des Etats cherchant à remettre en question le statu quo. L’heure n’est plus à l’ouverture et à la coopération mais à la compétition, à la polarisation et à la confrontation, à l’image de la nouvelle guerre froide qui se dessine entre les Etats-Unis et la Chine. Comme toute grande crise, l’épidémie de Covid 19 accélère ces grandes transformations, qu’il s’agisse de la déstabilisation de l’Occident, du découplage entre Washington et Pékin ou de la très difficile refondation de l’Union européenne comme puissance.
C’est désormais la géopolitique, déclinée en termes de volonté de puissance, qui façonne la planète, et non plus l’économie comme ce fut le cas de 1989 à 2008. Entreprises, nations ou continents, tous les acteurs doivent se repositionner, ce qui suppose de comprendre le système mondial et de définir des stratégies. Ceci est tout particulièrement urgent pour l’Europe, que les Etats-Unis et la Chine veulent réduire à une variable d’ajustement de leur affrontement, comme pour la France, menacée de déclassement.
Il n’est pas de souveraineté et de sécurité sans communauté stratégique. Et il n’est pas de communauté stratégique sans pensée géopolitique. Voilà pourquoi le Prix du Livre de Géopolitique apporte une contribution décisive en mettant en pleine lumière le renouveau des travaux émanant des chercheurs et des journalistes, des experts mais aussi des militaires. Voilà pourquoi l’édition 2020 est particulièrement prometteuse qui, après trois mois de confinement durant lesquels toute l’attention a été portée sur la France, nous rappelle, à travers les livres d’Alice Eckman sur la volonté hégémonique du parti communiste chinois, de Jean-Michel Valentin sur le choc entre les Chine et les Etats-Unis, d’Hugo Micheron sur les métamorphoses du djihadisme français, que le redressement de notre pays est indissociable de la compréhension de son environnement international.
Penser et lire la géopolitique, c’est déjà refuser de subir pour se mettre en situation d’agir.