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louis gautier

Conseiller maître à la 3ème Chambre de la Cour des comptes, ancien secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (2014-2018), directeur de la Chaire Grands enjeux stratégiques contemporainsà l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

“Trois leçons géopolitiques pour le monde qui vient”

Le monde traverse, en raison de la pandémie du COVID 19, une crise sans précédent. Aucun conflit depuis la Seconde Guerre mondiale, pas plus les guerres de Corée, du Vietnam que d’Irak, n’a eu un tel retentissement sur la vie internationale et la continuité des échanges mondiaux. Le choc, par son ampleur est bien stratégique. Cela relativise rétrospectivement la pertinence de quelques travaux en géopolitique. Tous les gouvernements ont été pris de court par la propagation rapide du virus. Pour autant, on ne peut pas parler de « surprise stratégique ». L’hypothèse d’une nouvelle pandémie hautement pathogène était en effet considérée comme probable à un horizon rapproché par de très nombreux spécialistes. Ce qui est prévisible est pourtant rarement cru. C’est une leçon récurrente dans l’histoire. L’affolement suit alors le scepticisme.

Vu l’importance de la secousse et de ses répliques économiques et politiques, le monde va changer pour le pire et possiblement pour le meilleur. La récession économique entraîne faillites, chômage, baisse de la demande… Les solutions monétaires et budgétaires adoptées pour relancer la machine vont dans le bon sens, mais certains s’en sortiront mieux que d’autres. Des rapports de force seront modifiés. Et puis les attentes sont considérables mais très contrastées entre des pays riches attentifs aux grands défis planétaires (climat, sécurité alimentaire et sanitaire) et les autres, notamment les plus pauvres, confrontés au recul de leur PIB, aux ravages accrus de la maladie et de la misère. Deuxième leçon, les relations internationales passablement sous tensions vont devenir plus conflictuelles.

Troisième leçon, alors qu’il s’avère plus que jamais nécessaire, le système international dysfonctionne. L’Organisation mondiale de la santé, sous influence chinoise, n’a pas été à la hauteur de sa mission. Le conseil de sécurité des Nations unies qui devrait faire office de directoire mondial a été inaudible. L’Organisation mondiale du commerce, très mal en point, est incapable de jouer son rôle dans les désordres commerciaux qui s’annoncent. La puissance publique dans la plupart des démocraties européennes est affaiblie alors que les opinions publiques, fortement activées par les réseaux sociaux durant la crise, demandent à être mieux entendues. 

Relance économique, réforme du système international, renaissance du projet européen, … Les chantiers sont gigantesques. Où sont les Roosevelt du XXIe siècle ?