Chapitre 2 : Issy-les-Moulineaux, le patrimoine et le bien-être


Luce Perrot : Quand on rénove une ville de fond en comble, que fait-on des atouts qu’elle recelait ? Parmi ceux-ci, on peut évoquer le patrimoine : votre ville vous réserve bien des surprises de ce point de vue.


André Santini : Ce bâtiment, la mairie, par exemple, a été construit au XVIIIème siècle par Etienne-Louis Boullée, un des plus grands architectes de l’époque, pour le financier Beaujon. C’était tellement réussi qu’on lui a demandé de construire, par la suite, l’Elysée où est installé le président de la République. Le Salon Elysée de la mairie, c’est l’original de ce qui est devenu le Salon des ambassadeurs au palais de l’Elysée.


Toujours à la mairie, dans la salle multimédia, on a découvert et restauré un cloitre. Il y avait des toiles qui trainaient. L’une d’elles, le Couvent des oiseaux, représente l’île Saint-Germain. On y admire les collines de la ville et au loin, un bâtiment blanc : c’est le Trocadéro en 1900, qui n’était pas démoli encore. C’est l’un des rares tableaux où on peut admirer le Trocadéro en style mauresque.


Et dans le hall, il y a une toile immense en trois parties de Victor Prouvé, de l’école de Nancy. On est en train de la restaurer.


Ainsi, on découvre des choses au fil des transformations et des années.

Vous savez su également inscrire ce patrimoine dans la modernité…


C’est obligatoire. La Porte de Versailles, par exemple, est en train de changer, d’exploser. 530 millions d’euros de travaux y sont envisagés pour construire un centre de convention de 50 000 places et un autre de 30 000 places afin de rivaliser avec Las Vegas et Los Angeles. Lorsque vous voulez organiser un congrès de 50 000 personnes, il faut déplacer les grands spécialistes.

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Pour répondre à ces transformations, nous construisons, à Issy-les-Moulineaux, le seul hôtel 5 étoiles en dehors de Paris, sur l’emplacement de l’ancienne propriété de la reine Margot : on sauve le patrimoine et on réinscrit la modernité dans l’histoire de France.


Nous avons acheté, en bail emphytéotique pour un siècle, cette propriété qui dépendait du séminaire de Saint-Sulpice.


Ainsi, on a réhabilité le séminaire où était construite une grande chapelle qui est la copie de la chapelle royale de Versailles, copie réalisée en 1901. A Versailles, Louis XIV a fait quatre chapelles : plus la mort avançait, plus il la voulait belle. Il démolissait les autres. Mais le séminaire Saint-Sulpice, la chapelle, le Foyer de la Solitude, le parc du domaine de la reine Margot : tout est XVIIIème siècle. Nous allons prendre les précautions nécessaires pour tout réhabiliter : cela va devenir un très beau lieu.


C’est ainsi que l’on réussit à faire ce que l’on aime : sauver le patrimoine et respecter les Sulpiciens qui sont une grande congrégation.


Pour une ville, est-ce un plus ? Le plus français, l’art français.


Les Américains louent déjà les chambres du futur Domaine de la Reine Margot alors que l’hôtel n’est pas encore construit : on leur raconte une histoire et l’architecte Wilmotte a déjà reconstitué des éléments du temps de la reine Margot.


En conclusion, on fait venir des entreprises, on contribue au développement économique par notre position, on le complète. Et en même temps, on restaure le patrimoine. Je me sens bien là-dedans, on est quand même dans l’histoire du monde.

Issy-les-Moulineaux s’est également construit une réputation de lieu où il fait bon vivre


Quand on regarde le coût de la vie dans les autres villes, les gens choisissent Issy-les-Moulineaux parce qu’ils trouvent que Paris est sale, que ce n’est pas sécurisé, qu’il n’y a pas de services.


Notre ville est propre, balayée même le dimanche. Au niveau sécurité, nous sommes la seule ville où nous n’avons pas de police municipale, ni de caméra : nous avons pourtant la plus faible délinquance du département. Nous avons un grand centre de loisirs accueillant 6 000 enfants encadrés par 450 animateurs blacks-beurs. Aucun d’entre eux n’est parti en Syrie parce qu’ils ont un recrutement, une formation, un métier, une considération. Les parents ont une confiance totale.


Aujourd’hui, ce sont les femmes qui décident de l’acquisition d’un appartement. Elles nous disent qu’il y a des services, que la ville est sûre. Les écoles sont construites par de grands architectes, nous avons été les premiers à construire une école en paille et en bois. Nous avons une école Feng Shui avec une piscine qui accueille 130 000 personnes et est plus que rentable pour la municipalité : aujourd’hui, les gens vont à la piscine pour le bien-être. Nous avons également fait un jardin japonais parce qu’Issy est jumelée avec Ichikawa, au Japon. C’est formidable, on voit des personnes âgées qui viennent s’y asseoir et méditer.


Vous voyez, on imagine des choses qui sont en avance sur ce qui se fait ailleurs. Et quand les habitants d’Issy racontent ce dont ils disposent à leur entourage, cela nourrit la légende de la ville.


Mais cela coûte de l’argent, près de huit millions d’euros de budget. Alors quand on supprime la taxe d’habitation, par quoi la remplace-t-on ? Comment continuer à œuvrer pour le bien-être de ses administrés ?