Chapitre 1 : André Santini, pionner des Smart Cities

Luce Perrot : André Santini, vous êtes maire d’Issy-les-Moulineaux depuis presque quarante ans. A quoi ressemblait cette ville à votre arrivée ?


André Santini : Lorsque je suis arrivé à Issy, ce n’était même pas un chantier. C’était un dépotoir. Tout était en ruine. Les gens me disaient : « Je suis passé à Issy-les-Moulineaux, c’est innommable ».


A Issy, il y a pourtant le périphérique à proximité, il y a le métro, la Seine… Je me suis dit : « Quels idiots ! Avec ces atouts, ils n’ont rien fait ».

Qu’est ce que la vie de maire au quotidien ?


Ici, on mélange tout : la grande modernité et en même temps la proximité. C’est la vraie vie de maire.


Quand il y a eu deux inondations successives qui ont touché le bas de l’île, il y avait deux vieilles dames de 90 ans, l’une pianiste, l’autre peintre. L’eau a monté et elles m’ont téléphoné : « Monsieur le Maire, c’est tout ce que j’ai, tout est en train de partir ». On leur a envoyé des ouvriers municipaux pour mettre leurs meubles sur des cales et on les a emmenées.

Quelle est l’importance du mandat de maire selon vous ?


Lorsqu’on nous interdit le cumul des mandats, ce ne sont que des bêtises. A l’Assemblée, ils sont déconnectés. Alors que nous, maire, on a gravi tous les échelons, on est connecté, branché sur le réel.

Généralement quand un maire d’une ville accède à un poste de député ou autre, il voit toujours plus grand. Et vous, malgré tous vos autres mandats, vous n’avez jamais lâché Issy-les-Moulineaux

Je regrette que les ministres ne veuillent plus se présenter aux élections. Ils savent pourtant qu’il va leur manquer une marche.


Vous avez toujours été visionnaire et vous l’êtes toujours, donc comment vous imaginez cette ville dans 30 ans ? Comment se déplacerons les gens ?

Ce sont les gens qui le diront. Ce sont mes successeurs qui avanceront, hésiteront. Tout ce que j’ai fait, les gens y étaient opposés au début. Rien que sur le fait d’arriver à Issy-les-Moulineaux!


Vous avez l’esprit d’innovation ou vous ne l’avez pas. On a eu le siècle des Lumières qui était formidable, on ne dominait pas l’Europe mais le monde entier. En France, on a quand même des gens formidables.


Je passe mon temps à expliquer à mes collaborateurs qu’il faut lire des livres, il faut perdre du temps. Il faut regarder les jeunes maires agir. Ou alors on demande à une petite société de faire une étude et après il faut s’en servir.

Ça fait maintenant 40 ans que vous êtes à la tête de cette ville…


C’est ce qu’il faut pour faire une ville. Pourquoi cela fait 40 ans, ce n’est pas à moi qu’il faut le demander, c’est aux gens qui votent.