Bruno Le Maire
Un éternel soleil
Albin Michel
Le talent d’écriture de Bruno Le Maire, sa capacité à introduire des éléments de vie pour justifier ses thèses, sa manière d’appeler l’histoire ou les grands auteurs comme tuteurs de son analyse ou de ses constats, donnent à ce texte la force particulière de la sincérité.
Inquiet de la « vérité virtuelle » que propagent les réseaux sociaux en brouillant l’analyse objective de l’action gouvernementale, le ministre s’engage clairement en faveur de la réélection d’Emmanuel Macron et dresse un bilan de l’action menée depuis cinq ans.
Conscient des fragilités du corps social, du déclassement de la France dans le monde et des imperfections du système politique français, il propose un certain nombre de réformes susceptibles selon lui de redonner vigueur à notre pacte démocratique: réduction du nombre de parlementaires, limitation des compétences du sénat et du nombre de ministres, obligation de démission de la haute fonction publique pour les ministres et les parlementaires, déménagement des ministères dans des bâtiments plus sobres et plus fonctionnels, fin de l’actionnariat de l’Etat dans les entreprises (à l’exception des domaines du transport, de l’énergie et de la défense), réflexion sur le rôle des sous-préfectures, modification de la composition du conseil constitutionnel…
En élargissant sa réflexion bien au delà des responsabilités qu’il assume, regrettant la disparition du sentiment d’unité nationale, il voit dans l’éducation le remède le plus certain pour reconstruire un pays fier de lui-même, retrouvant les vertus de l’autorité sans laquelle rien n’est possible et où les citoyens n’hésitent pas à prendre des risques.
Se projetant dans l’avenir, il affirme que quatre conditions peuvent lui donner les formes du succès: la croissance, le travail, la réduction des dépenses publiques et la mise en place de nouvelles règles budgétaires.
Autant de suggestions qui ne sont pas des surprises et dont la mise en oeuvre pratique n’est ici qu’esquissée.
Dans l’ultime chapitre intitulé « La nation », Bruno Le Maire convoque des souvenirs savoureux et des références historiques puissantes pour rappeler l’importance d’un mot, d’une idée mais aussi d’une passion qu’il voudrait faire partager. Bien sur, il se revendique européen, tout en souhaitant que l’Europe « passe de son état de projet perpétuel à celui de puissance politique ». Naturellement, il s’oppose au nationalisme qui n’est selon lui « qu’une panique et un calcul ». Et il juge que les rencontres de Davos, où s’élaborait hier la conception d’un libéralisme universel est mort: celui-ci ne peut être en effet la réponse au défi climatique qui impose des règles et des comportements intégrant pour chaque décision, l’urgence de défendre la planète.
Conscient enfin de la force irrésistible de l’économie chinoise, du danger islamiste, des prétentions russes, des enjeux de la proximité africaine, le ministre rappelle que « Le peuple veut la nation » et que l’identité française, « si singulière, glorieuse et fragile », doit reprendre sa place et être à la fois nationale et européenne.
A ceux qui reprocheraient à un ministre le temps pris sur ses obligations pour écrire, Bruno Le Maire objecte la juste nécessité pour un homme d’action de prendre le temps de la réflexion et de moments d’isolement. Ce nouvel ouvrage d’un homme politique abreuvé de culture apporte une contribution sensible et intelligente au débat politique.
Philippe Langenieux-Villard